Cette période de confinement remet au centre de notre attention la qualité du paysage et du cadre de vie

La vue par la fenêtre

A ce titre, plusieurs Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement invitent chacun à publier une photographie de son paysage de confinement sous le hashtag #monpaysageconfiné. On sait que la vue par la fenêtre d’un convalescent influencerait sa guérison[1]. Et une belle collection de dessins de vues parisiennes est aussi regroupée sous le hashtag #dessinetafenêtre, où l’on retrouve illustré ce potentiel d’évasion décrit par Gaston Bachelard[2] : « Par la fenêtre du poète, la maison engage avec le monde un commerce d’immensité ».

Le paysage a bien une dimension culturelle définie par la Convention Européenne du Paysage comme : « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». Les études scientifiques sur les effets des paysages sur la santé physique et mentale montrent d’ailleurs que le regard subjectif de l’observateur peut avoir autant à jouer que les mesures scientifiques[3].

La qualité du paysage

Bruitparif vient de publier des résultats après un mois de confinement. Paris enregistre les baisses les plus fortes « de 60% à 90% des émissions sonores générées par la circulation routière »[4]. Les oiseaux se font entendre à Paris en ce moment. Et l’on sait déjà d’études scientifiques que la récupération du stress est meilleure à l’écoute de sons de nature[5] et que le chant d’oiseaux augmente la perception positive de contextes urbains[6].

Une publication récente de la revue Nature[7] apporte un éclairage intéressant sur nos perceptions en confinement avec des essais mesurant le rôle respectif des sens (ouïe, vue, odorat) dans le temps de récupération face à un stress selon le type de paysages, urbains ou naturels. Ces résultats confirment qu’un paysage urbain arboré génère une réduction du stress[8]. Surtout, le stimulus olfactif l’emporterait sur les autres sens avant le stimulus auditif et la stimulation visuelle dans la gestion du stress, de quoi faire évoluer les pratiques des aménageurs urbains.

Cette étude, met l’accent sur l’importance de la synergie des sens apaisés par la nature, dépassant la somme des effets de chacun[9]. Notez enfin que le chant de plusieurs espèces d’oiseaux produit une perception plus positive d’un paysage que celui d’un seul ! On redonnera enfin son importance insoupçonnée à la senteur des fleurs du balcon. La biodiversité nous viendrait en aide[10].

La nature à un quart d’heure de chez soi

L’exposition à des espaces verts urbains génère des bienfaits cognitifs, affectifs et psychophysiologiques capable de réduire le stress et la baisse de l’attention[11]. Chacun aura produit en prévision de sa balade sa carte du rayon d’un kilomètre et recherché la présence de nature.

Ce kilomètre de distance se parcourt à pied en environ un quart d’heure, définissant cette ville de proximité prônée par les urbanistes comme le maillon d’équilibre souhaitable de toutes les aménités, et encore plus à l’issue de cette période[12]. En support à cet objectif, la marchabilité des aménagements urbains[13], réductrice des risques cardiovasculaires, est réputée de bon niveau dans la capitale.

L’OMS retient aussi le critère de proximité avec une norme de 10 m² d’espaces verts par habitant accessible à un quart d’heure de marche nécessaire à la santé[14]. Il est étonnant de constater que 10m² correspondent à la surface d’un rayon d’1 à 2 mètres autour d’un individu. Cordon sanitaire qui renvoie aussi à la sphère personnelle, identifiée par un anthropologue comme un « territoire portable » avec soi, dont le franchissement à notre insu génère un stress attesté par nombre d’études[15].

S’il reste encore à poursuivre les efforts pour atteindre partout à Paris ce seuil d’espaces verts accessibles à proximité, la ville a dans son histoire toujours laissé une part belle aux jardins privés[16] qui couvrent 600 hectares (soit 1/5 des parcs et 2 bois publics) mais aussi 115 ha de toitures-terrasses et murs végétalisés[17] s’offrant à la vue des parisiens pendant le confinement.

Avila Tourny

Architecte-voyer de la division « Sites et Paysages » de l’Agence d’écologie urbaine de la Ville de Paris.

 

[1] Ulrich, R. S. View through a Window May Influence Recovery from Surgery. Science 224, 1984.

[2] La poétique de l’espace, Gaston Bachelard, 1957.

[3] Sang, A. O., Knez, I., Gunnarsson, B. & Hedblom, M. The effects of naturalness, gender, and age on how urban green space is perceived and used, 2016.

Knez, I., Sang, A. O., Gunnarsson, B. & Hedblom, M. Wellbeing in Urban Greenery: The Role of Naturalness and Place Identity, 2018.

[4] Les effets du confinement sur le bruit en Ile-de-France, 16/04/2020, Bilan un mois après le début du confinement, Bruitparif.

[5] Alvarsson, J. J., Wiens, S. & Nilsson, M. E. Stress Recovery during Exposure to Nature Sound and Environmental Noise, 2010.

[6] Hedblom, M., Heyman, E., Antonsson, H. & Gunnarsson, B. Bird song diversity influences young people’s appreciation of urban landscapes, 2014.

[7] Hedblom, M., Gunnarsson, B., Iravani, B. et al. Reduction of physiological stress by urban green space in a multisensory virtual experiment, 12 juillet 2019.

[8] Ulrich, R. S. et al. Stress Recovery during Exposure to Natural and Urban Environments, 1991.

[9] Stein, B. E. & Meredith, M. Merging of the Senses, 1993.

Franco, L. S., Shanahan, D. F. & Fuller, R. A. A Review of the Benefits of Nature Experiences: More Than Meets the Eye, 2017.

[10] Fuller, R. A., Irvine, K. N., Devine-Wright, P., Warren, P. H. & Gaston, K. J. Psychological benefits of greenspace increase with biodiversity, 2007.

[11] Hartig, T., Evans, G. W., Jamner, L. D., Davis, D. S. & Garling, T. Tracking restoration in natural and urban field settings, 2003.

Berman, M. G., Jonides, J. & Kaplan, S. The Cognitive Benefits of Interacting With Nature, 2008.

[12] « Cette crise sanitaire est l’occasion de penser la ville du quart d’heure » tribune de Carlos Moreno, Le Monde, 20 mars 2020.

[13] « Favoriser la « marchabilité, levier d’actions pour la santé des franciliens », DRIEA, ARS, Septembre 2018.

[14] L’OMS fixe en plus de cette norme de 10 m² à proximité une offre complémentaire de 25 m² par habitant dans l’agglomération. L’agence européenne pour l’environnement recommande aussi d’avoir accès à un espace vert à une distance de marche d’un quart d’heure (Stanners et Bourdeau, 1995).

C’est une distance de 7 mn à pied de chez soi qui est retenue pour accéder aux parcours de fraîcheur établis par la Ville de Paris.

World Health Organization (2010). Urban Planning, Environment and Health: From Evidence to Policy Action.

Lire aussi La desserte en espaces verts, Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAURIF).

[15] La Dimension cachée, Edward T. Hall (1966) ou les travaux de Sommer qui parle de « portable territory » (1969).

[16] Conférence de Jean-François Cabestan, historien de l’architecture Université Paris 1, Paris à la fin de l’Ancien Régime : les prémices d’un basculement vers la ville contemporaine, Journée d’étude ENSA-V/Ministère de la Culture Patrimoine et Nature en ville, 2019.

[17] Données DEVE avril 2020, Ville de Paris.

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