Missions

Chargés de veiller au respect de l’alignement, les architectes-voyers gèrent dès l’origine les permissions d’occupation de la voirie et les autorisations de construire. Au XIXème siècle, leurs missions se diversifient avec les préoccupations hygiénistes et la volonté de transformer la Capitale. Ils acquièrent ainsi une solide compétence en matière d’insalubrité et d’estimation foncière. Cette compétence aura été bien utile pour l’élaboration du règlement de 1902, resté en vigueur jusqu’en 1958.

Au sortir des Trente Glorieuses, la critique du Mouvement moderne et du centralisme administratif conduit à plusieurs réformes dans les domaines de l’urbanisme, de l’architecture et des marchés publics et à un premier mouvement de décentralisation. Les architectes-voyers investissent de nouveaux champs de l’action municipale, plus directement opérationnels, tels que la réalisation des équipements publics, la transformation de l’espace public ou la conduite d’opérations d’aménagement. Avec la loi d’orientation pour la ville, la programmation du logement social complète leur mission en faveur de la salubrité urbaine.

L’importance croissante des questions d’environnement et de développement durable et la loi solidarité et renouvellement urbains favorisent au début du XXIème siècle une croissance de leur effectif dans plusieurs directions municipales. Certains d’entre eux rejoignent les équipes techniques des mairies d’arrondissement au plus près des réalités du terrain, tandis que d’autres participent au renouvellement de la politique de coopération entre collectivités territoriales.

Les évolutions récentes de l’organisation de la maîtrise d’ouvrage publique et l’amoindrissement du rôle attribué par la Ville à ses experts, conjugués à une politique générale de réduction des dépenses publiques ont eu pour effet de réduire ces dix dernières années le nombre d’architectes-voyers dans les structures parisiennes.

1. L’instruction des demandes d’autorisation de construire

2. L’estimation des biens fonciers

3. La réglementation urbaine

4. La maîtrise d’ouvrage publique

1. L’instruction des demandes d’autorisation de construire

Les missions de l’architecte-voyer n’ont guère évolué dans l’application du droit des sols jusqu’à nos jours. Ses tâches sont précises et variées : il est confronté en permanence à la vie quotidienne de la ville, aux réalités de la vie économique et à l’inévitable nécessité de proposer des décisions. Au sein d’un secteur administratif structuré, attributaire d’un ou plusieurs arrondissements, il anime une équipe homogène aux fonctions clairement délimitées.

L’architecte-voyer est appelé à avoir des contacts permanents avec le public. Il n’y a pas si longtemps, sa porte était ouverte à tout venant, trois après-midi par semaine. L’architecte exerçant à Paris n’est pas un novice : il sait évaluer les possibles risques de refus et attend de son entretien avec l’architecte-voyer des directives et des assurances sur l’aboutissement de son dossier. L’architecte-voyer peut se montrer ouvert aux motifs de telle ou telle proposition et guider son confrère vers les potentialités de la réglementation applicable. Contrairement à ce qui se dit parfois, l’architecte-voyer n’accorde aucune dérogation mais peut défendre l’application de latitudes permises par la réglementation face à des commissions spécialisées que l’on retrouve, à Paris, tout au long de l’histoire du permis de construire.

L’architecte-voyer se doit d’être ouvert et même très informé de certains domaines du droit privé, en matière de propriété, de mitoyenneté et de servitudes. Le cas échéant, il lui faut argumenter pour défendre la légalité des autorisations en reprenant point par point les détails de l’instruction et étayer les mémoires en défense destinés aux juges des tribunaux administratifs.

À la fin de son instruction, il formule une proposition de décision qui constitue la base de la rédaction de l’arrêté d’autorisation de construire. En complément de cette instruction, il faut mentionner les tâches de surveillance et de contrôle qu’il doit régulièrement effectuer sur le terrain.

2. L’estimation des biens fonciers

La mission n’est certes pas nouvelle pour les architectes-voyers mais elle connaîtra un essor sans précédent tout au long du XXème siècle. Limitée dans les années 1880 aux indemnités à allouer aux propriétaires ou locataires atteints par l’expropriation, elle est appliquée, de 1900 à la première guerre mondiale, à la vente de terrains et aux acquisitions d’immeuble nécessaires aux opérations de voirie, avant de porter sur les indemnisations préalables à l’aménagement des terrains de la zone des anciennes fortifications.

Au sortir de la seconde guerre mondiale, le travail d’estimation effectué par les architectes-voyers concerne les indemnités allouées au titre des réquisitions, soit allemandes, soit françaises, les dommages de guerre et d’occupation ou encore l’application des règlements de défense passive. Il sera ensuite mobilisé, dans le cadre de la Reconstruction et jusque dans les années 1960, dans le cadre de l’acquisition des immeubles situés dans les îlots insalubres.

Une division spéciale est créée en 1953 à cette fin au sein de l’administration parisienne pour effectuer cette mission d’estimation des biens fonciers et des valeurs locatives ainsi que des indemnités d’éviction, avec une augmentation notable des effectifs. La mission connaîtra un recul important à la fin des années 1980 après que la Ville délégua une grande partie de ses compétences aux aménageurs et qu’une loi accorda aux services de l’État le pouvoir de fixer la valeur de référence des biens fonciers. Elle reprend cependant un vif regain dans un autre cadre depuis 2010, que ce soit pour étudier systématiquement la valorisation des très nombreuses propriétés parisiennes dans et hors Paris ou dans l’accompagnement plus récent des appels à idées des différents « Réinventer ».

3. La réglementation urbaine

Le rôle des architectes-voyers dans la rédaction des règlements applicables aux travaux de construction est très variable selon les époques. S’ils sont pleinement responsables du règlement de 1902, leur participation à l’élaboration du Plan d’urbanisme directeur publié en 1961 n’est pas manifeste. Ils ne retrouvent la mission de concevoir les règlements qu’avec le Plan d’occupation des sols appliqué à Paris à partir de 1975.

Sur la base d’un travail préparatoire mené depuis 1897 par l’architecte-voyer Louis Bonnier et l’architecte-urbaniste Eugène Hénard, le règlement de 1902 marque une nouvelle étape dans l’histoire du paysage de la ville. Il conserve les principes énoncés par la Déclaration du Roi de 1783 tout en les adaptant à l’air du temps : il fusionne la réglementation des saillies et des hauteurs des constructions afin de permettre notamment une plus grande expression de l’architecture dans le paysage urbain et introduit en même temps des règles d’espaces libres et de hauteur des constructions sur cour, en accord avec les préoccupations des hygiénistes du temps. Adossé aux concours d’architecture lancés par la Ville de Paris entre 1898 et 1912 pour récompenser les plus belles façades, il a été appliqué sans discontinuer jusqu’en 1958. C’est dans son cadre qu’ont été réalisés les plus beaux immeubles Art Nouveau mais aussi tous les ensembles HBM de la Ceinture de Paris ainsi que les premières réalisations de Le Corbusier.

Alors que les années 1950-1960 sont marquées par un triomphe de l’architecture et de l’urbanisme du Mouvement moderne, et que nombre d’architectes-voyers bénéficiaient de contrats avec le ministère de la Reconstruction pour des projets de reconstruction et d’aménagement des villes sinistrées lors de la deuxième guerre mondiale, ils sont écartés des services de l’urbanisme où se préparait une rupture avec l’histoire de la réglementation urbaine. Le Plan d’urbanisme directeur (PUD) qui a été appliqué à partir de 1961 à Paris consacre en effet de nouveaux principes : le zoning, le déplafonnement du velum et l’abolition de l’alignement.

L’année 1970 sera marquée par l’arrivée des architectes-voyers dans les services de l’urbanisme avec la création de l’Agence de composition urbaine. En phase avec les travaux menés par l’Atelier parisien d’urbanisme, ils participent alors à l’élaboration du Plan d’occupation des sols approuvé en 1977. C’est sous leur contrôle que des règles morphologiques plus respectueuses des tissus urbains existants sont élaborées. De modifications en révisions, de mises en compatibilité en mises à jour, du Plan d’occupation des sols au Plan local d’urbanisme, les architectes-voyers veillent au jour le jour à ce que toute évolution réglementaire se fasse dans le respect des principes fondateurs de la tradition parisienne mais aussi en lien avec les enjeux sociaux, culturels, environnementaux et urbains contemporains.

4. La maîtrise d’ouvrage publique

Dans le contexte de l’adoption de la loi sur l’architecture (1977) et de la codification de la maîtrise d’ouvrage publique, mais aussi de la conversion d’une administration préfectorale en une administration municipale, les architectes-voyers ont été amenés, à partir de 1978, à prendre une part active dans la mise en place d’une « administration de projets ».

Ils participent ainsi à la création de plusieurs « services d’architecture » au sein des principales directions techniques de la Ville de Paris qui seront, au début des années 1980, entièrement réorganisées. Chargés des études de faisabilité et de l’organisation des concours d’architecture, ils favorisent le renouveau des constructions publiques. Chargés de projets relatifs à l’aménagement d’espaces publics, ils exercent des missions de maîtrise d’œuvre, en revisitent les méthodes traditionnelles et contribuent aux programmes de consultation lancés en vue de la réhabilitation d’espaces emblématiques. Chargés d’opérations d’aménagement, ils en assurent l’étude et le montage opérationnel, en soutiennent la concertation et en contrôlent la réalisation sur les plans urbanistique, architectural et technique en liaison avec les sociétés d’économie mixte. Des structures plus légères sont constituées pour l’entretien et la rénovation des espaces verts, le renouvellement du mobilier urbain, la mise en place d’une politique de murs peints, et l’entretien des édifices cultuels. Ils concourent ainsi à une nouvelle transformation de l’espace parisien.

Dans le contexte de la future loi SRU et de l’importance croissante prise par les questions environnementales et de développement durable au milieu des années 1990, ils se trouvent aux premiers rangs de l’action municipale pour l’évolution et la modernisation des pratiques et savoir faire techniques et administratifs dans les champs de l’architecture, du paysage et de l’urbanisme.

A consulter : Plaquette de présentation des architectes-voyers (1986)

Présentation des architectes-voyers en 1986