Procédure de contrôle de la construction, le permis de construire témoigne de la remarquable persévérance de l’autorité publique dans sa volonté de maîtriser le fait de bâtir. S’agissant aussi bien de coordonner et maintenir dans les limites du droit des sols que de sauvegarder l’unité et la qualité des espaces urbains, la ville de Paris intègre depuis longtemps des architectes dans les structures des directions successives qui eurent, ou ont toujours la responsabilité de l’urbanisme et de la construction.

Mettant fin à une longue période d’accords multiples, c’est la loi d’urbanisme du 15 juin 1943, l’ordonnance du 27 octobre 1945 et le décret du 10 août 1946 qui firent du permis de construire une procédure unique que ne remettront pas en cause les mises au point ultérieures (1976, 1977, 1983, 1986…). L’obligation d’obtenir cette autorisation concerne les personnes privées comme les personnes publiques, sauf les travaux explicitement non soumis, ou exemptés (secret défense, régime déclaratif). En outre, “ le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires, par leur implantation, destination, nature, architecture, dimensions, ou l’aménagement des abords ”[1]. Une importante réduction des éléments soumis à examen est intervenue en 1969 à l’initiative du Ministre de l’Équipement Albin Chalandon avec la suppression du contrôle des règles de construction.

Telles sont donc les dispositions qui fondent l’activité des services chargés du permis de construire, au travers d’un dispositif administratif plusieurs fois remanié, mais au coeur duquel la ville de Paris a toujours placé les architectes voyers. A ce titre, aujourd’hui encore, les architectes voyers demeurent dans l’opinion les personnages incontournables auxquels il est nécessaire de recourir, même si leur participation a, ces dernières années, passablement changé de caractère du fait d’une réforme dont l’exacte efficience est encore attendue, mais qui semble d’ores et déjà relativiser parfois le sens de leur intervention.

L’année même du décret portant règlement des hauteurs et saillies dans la ville de Paris (13 août 1902), un arrêté du préfet de la Seine, de peu antérieur, stipulait que “ l’instruction de toutes les demandes de permis d’édification de constructions neuves ou de modification de constructions existantes sera faite tant du point de vue de la sécurité publique qu’au point de vue de l’application du règlement sanitaire, par les architectes voyers qui demeurent également chargés du récolement des constructions ou modifications de constructions après leur achèvement. ” Ce texte n’évoque qu’une partie des missions relevant à cette époque du Service Technique de la Voirie (architectes voyers), et révèle ainsi le caractère encore partiel de l’acte administratif appelé permis de construire, qui n’évitait pas au constructeur de rechercher d’autres accords. Bien avant 1895, les commissaires voyers font des rapports sur les demandes à fin de permission de construire et de réparer; ils vérifient “ l’exactitude des alignements donnés et constatent les contraventions de toute nature ”. Ils se réunissent une fois par semaine en bureau consultatif sous la présidence du préfet et sont assistés d’inspecteurs particuliers, remplacés après 1871 par des commissaires voyers adjoints. A cette époque ancienne, chaque commissaire voyer ajoute aux attributions directement liées à l’autorisation de construire “ les questions de péril, les fosses, les estimations et les lotissements d’immeubles, la surveillance des bâtiments en construction, tant du point de vue de l’exécution du règlement qu’au point de vue de l’observation des règles de l’art, et les logements insalubres [2]. Durant tout le XIXème siècle, les missions des commissaires voyers figurent régulièrement dans les Almanachs, et qui sont formulées de façon lapidaire dans l’Almanach impérial de 1850: Alignement et contentieux de grande voirie, délivrance des alignements et permissions de voirie, police des constructions et poursuite des contraventions. Ainsi chargé du permis de construire, l’architecte du Service Technique de la Voirie est de plus un expert apprécié par ses compétences professionnelles, sur lequel l’administration peut compter pour garantir la sécurité et l’hygiène des bâtiments. A. de Royou, commissaire voyer principal, en introduction à son traité pratique de voirie à Paris confirme, à la suite d’Haussmann, que “ s’il n’est pas indispensable de rencontrer chez eux (les commissaires voyers) les talents des architectes chargés d’élever les monuments publics, ils doivent cependant se tenir au courant des progrès de l’art de bâtir et, en dehors des connaissances professionnelles de l’architecte, ils doivent connaître les questions de voirie et de jurisprudence, et traiter les expertises les plus variées ”. On pourrait ajouter aujourd’hui qu’ils doivent également se tenir informés de l’actualité architecturale.

En 1895, les commissaires voyers sont officiellement devenus architectes voyers, en régularisation d’une situation de fait déjà ancienne. Une majorité d’entre eux reste en place et, tous architectes, ils continuent de servir dans les mêmes fonctions, sur des missions inchangées. L’arrêté du préfet Poubelle en date du 13 juillet 1895 réorganise le cadre du personnel du Service de la Voirie et dispose à cette fin, article 3, alinéa 2, que “ l’administration se réserve de désigner un certain nombre d’architectes voyers pour l’étude des estimations foncières et locatives concernant les immeubles atteints par les opérations d’expropriation ”. Ce texte fait suite à la délibération du 28 décembre 1894 par lequel le conseil municipal se souciait d’assurer l’unité des décisions dans le service des architectes voyers et la perception des droits de voirie, ainsi que de modifier l’organisation du service des expropriations en vue de la défense plus complète des intérêts de la ville de Paris.

Ainsi s’amorce la spécialisation d’une partie du Service de la Voirie et s’établissent côte à côte les deux grandes disciplines spécifiques du corps des architectes voyers, le permis de construire et les estimations. Ayant été successivement intégré aux Directions des Travaux, de la Voie Publique et des Promenades, à la Direction Générale des Travaux de Paris, de l’Extension de Paris, du Plan de Paris, le Service Technique de la Voirie devient en 1942 le Service des Estimations, de la Surveillance et de l’Hygiène de l’Habitation au sein de la Direction des Services d’Architecture et d’Urbanisme. Après 1948, avec un service central placé depuis longtemps sous les ordres d’un architecte voyer en chef, sont constituées 5 divisions du permis de construire à Paris (nord, est, sud, ouest, centre) et une division banlieue. Pour la première fois, les architectes voyers apparaissent hors Paris, dans les communes suburbaines de la Seine. En 1953, sous la Direction de l’Urbanisme, la banlieue est scindée en divisions est et ouest, pour tenir compte de l’étendue du territoire à gérer, et de la forte activité bâtisseuse qui s’y développe. Parallèlement, une division spéciale, hors permis de construire, traite avec une notable augmentation d’effectif les estimations foncières et locatives et les indemnités d’éviction. Au delà de l’époque des architectes inspecteurs généraux et des commissaires voyers divisionnaires, de 1871 à 1895, les commissaires voyers furent placés sous les ordres des ingénieurs en chef de la Voie Publique. Il faudra attendre la réorganisation de 1895 pour que le Service de la Voirie ait enfin un architecte voyer en chef, chef du service. Puis enfin, avec l’extension des compétences à l’ensemble du département de la Seine, un architecte voyer général, adjoint du directeur de l’Urbanisme.

Les 5 divisions parisiennes du permis de construire sont installées dans les mairies d’arrondissement, et les divisions banlieue, dans un immeuble du boulevard Port-Royal, anciennement d’habitation, et retourné maintenant à son affectation première. En 1965, l’édification de la cité administrative Morland assurera le regroupement en un même lieu de toutes les divisions du permis de construire, Paris et banlieue.

La réforme de la région parisienne, et la création des trois départements de la petite couronne (Hauts de Seine, Seine Saint Denis, Val de Marne) remet en cause la participation des architectes voyers affectés aux communes de banlieue. Quoique offerte à tous, l’alternative du détachement vers les Directions Départementales de l’Equipement, en volontariat, s’adressait surtout à eux. Certains furent tentés par la nouveauté de l’aventure, l’immensité des perspectives ouvertes avec la création de départements nouveaux, la grandeur et l’urgence des problèmes urbains à résoudre, l’invention nécessaire de l’outil de travail. Mais le désenchantement fut assez rapide, et quelques années suffirent à révéler l’incompatibilité du titre d’architecte voyer avec ceux en usage dans les cadres d’une administration d’État. Avec regret, ayant perdu leurs illusions, à une exception près, les derniers volontaires se sont repliés sur le département de Paris.

En 1977, de préfectorale, l’administration est devenue municipale. Le Service du Permis de Construire s’intègre à la Direction de la Construction et du Logement. Les architectes voyers du Permis de Construire sont groupés sous les ordres d’un architecte voyer en chef, assisté d’un Service Central, et de divisions correspondant aux arrondissements, regroupées en quatre secteurs aux limites parfois légèrement fluctuantes.

Le temps passe et favorise la réflexion. L’administration en vient à constituer des équipes considérées comme plus unitaires, autonomes, regroupant toutes les tâches, du permis de construire comme du contrôle, compris la révision exercée jusque là au central. Chaque unité constituant une circonscription, sous les ordres d’un chef de circonscription, rapidement architecte voyer en chef, animateur d’une équipe associant étroitement architectes voyers, ingénieurs des travaux, assistants techniques, adjoints administratifs. L’ensemble désigné comme Service Technique de la Construction (S.T.C.). Cette reconversion trouva désormais son exact corollaire dans la refonte du Service Urbanisme Opérationnel (S.U.O.), unité de même configuration regroupant les ingénieurs des services techniques et leurs adjoints et traitant en particulier du respect des zonages et des densités. Une stricte concordance géographique permit un travail participatif plus efficace et les hostilités initiales s’éteignirent devant l’évidence des résultats.

Mais ces dispositions subissent maintenant de nouvelles mutations dont il est encore prématuré de prévoir la destinée. Pour l’essentiel, S.T.C. et S.U.O., imbriqués, sont mêlés, les architectes voyers et les ingénieurs des services techniques étant à égalité soit chef de circonscription soit adjoint au chef de circonscription, soit responsables d’arrondissement sans référence aux spécificités professionnelles. Quant à lui, le contrôle s’isole du permis de construire, mettant fin à l’association de deux volets plus que centenaires d’une même procédure : autorisation et surveillance.

L’Architecte Voyer et son secteur

Il n’est pas certain qu’une irrésistible vocation ait toujours conduit le nouveau reçu vers un poste d’architecte voyer chargé du permis de construire, aussi prestigieuse que soit cette mission. Jamais autant qu’aujourd’hui il n’a devant lui l’opportunité – théorique – de s’orienter vers d’autres domaines, car l’unique alternative surveillance de l’habitation / estimations immobilières relève désormais de l’histoire. Comme est encore plus lointaine l’époque du commissaire voyer attaché à son arrondissement au point d’être tenu d’y résider, ayant en charge toutes les missions attachées à ce titre. Il est plus constant que son affectation lui soit d’emblée attribuée en fonction des nécessités du service, sans doute en considération de son classement ou des sentiments que sa personnalité a pu incidemment susciter. Beaucoup plus tard, la classique obligation de mobilité lui fournira, avec des fortunes variables, l’occasion d’intégrer d’autres directions, ou de se porter volontaire pour un détachement. C’est sûrement au service du permis de construire que l’architecte voyer va trouver sa place dans un secteur administratif particulièrement bien structuré, sur des tâches précises et variées, qu’il y sera confronté en permanence à la vie quotidienne de la ville, animateur d’une équipe homogène aux fonctions clairement délimitées, attributaire d’un arrondissement, au sein de l’une des cinq circonscriptions techniques de la Sous Direction.

Le permis de construire, procédure d’autorisation, s’accompagne pour l’architecte voyer d’une lente symbiose avec son secteur d’affectation. C’est un mariage de raison, mais il est rare que l’architecte ne découvre pas les vertus de son territoire, une physionomie spécifique méritant sa sympathie, ce que confirmera souvent sa fréquentation régulière. Paris est en effet divers dans ses sites et paysages; chacun reconnaîtra à son arrondissement quelques traits bien particuliers justifiant son intérêt. Il sera bientôt l’un de ses intimes fidèles, en connaît les détours, même si bien des espaces vont garder vis à vis de lui leur secret.

En corollaire, la présence des architectes voyers et de leurs collègues, ingénieurs des travaux et assistants, sera identifiée comme celle d’acteurs incontournables de l’administration locale, encore que diversement perçue, eu égard au caractère souvent contraignant de leurs interventions. L’architecte voyer n’est pas qu’un homme ou une femme, de dossier, agissant du fond de son bureau. Il est confronté en permanence aux rythmes du quotidien, à l’inévitable nécessité de proposer des décisions, et subit ainsi la poussée ininterrompue des réalités de la vie économique.

Méthodes et principes

La position de l’architecte voyer d’un secteur le destine aux contacts permanents avec le public. Il n’y a pas si longtemps, sa porte était ouverte à tous venants trois après-midi par semaine. Professionnels et particuliers emplissaient alors les couloirs. La réforme vint à bout d’une longue tradition à laquelle le public était accoutumé, mais sans doute cause d’innombrables heures perdues, et d’une inesthétique agitation. Se succédaient ainsi ceux qui souhaitaient des renseignements d’urbanisme et ceux qui tentaient d’exorciser les imaginaires aléas de l’instruction, surtout dans le cas de dossiers plus ou moins bien ficelés. Et aussi propriétaires, voisins, commerçants, entrepreneurs, promoteurs… tous engagés peu ou prou dans les soucis que génèrent pour tous les multiples problèmes liés à tous aménagements, grands ou petits, dans la ville.

Pour l’architecte voyer, ce contact est une part importante de sa fonction, et nécessite de sa part une vraie capacité d’accueil et de compréhension. Le concepteur et, plus généralement, l’architecte actif sur Paris n’est pas un novice, connaît son règlement, sait évaluer les possibles risques de refus, et tient donc à confronter ses intentions aux possibles de la future instruction; et surtout à mesurer les latitudes permissives. Il souhaite en fait obtenir d’avance des directives et une assurance. C’est par ce jeu du dialogue souvent fructueux, pour peu que se développe un climat confraternel, que l’architecte voyer soucieux à juste titre du respect des dispositions réglementaires, peut se montrer ouvert aux motifs de telle ou telle proposition, et guider vers les potentialités du Plan d’Occupation des Sols ou d’un Plan d’Aménagement de Zone, qui pourront être utilisées sans ruse ou manœuvres déloyales. Taxé souvent d’obscurantisme rétrograde pour ce que sa mission implique de respect des règles, il a néanmoins favorisé l’éclosion de nombreuses réalisations significatives grâce auxquelles la création architecturale authentique existe à Paris, et gagne en réputation internationale. En revanche, il ne peut être tenu pour responsable des solutions traditionalistes les plus insipides chaque fois que les projets ont adopté les formes de la facilité et du pastiche. C’est aussi pour utiliser les connaissances pointues qu’il a des textes appliqués à la construction des bâtiments et, avant tout, la richesse des références issues de la pratique journalière, qu’il est appelé dans les jurys, ou pour participer à la préparation des dossiers de consultation, pour exercer son esprit critique à l’occasion des études de faisabilité.

L’architecte voyer, contrairement à ce qui se dit parfois, ne donne pas de dérogations; d’ailleurs ce mot à mauvaise réputation. On lui préfère celui d’adaptation, qui se doit d’être mineure, et qui reste ainsi dans des proportions respectueuse de la lettre des textes. Quoi qu’il en soit, il ne dépend pas de lui seul que soit admise l’application de cette latitude, non plus que de toute autre latitude permise par les espaces de liberté (les motifs d’architecture et d’environnement) qui figurent au règlement. Il s’agit d’une décision collégiale, pesée dans ces commissions spécialisées que l’on retrouve tout au long de l’histoire du permis de construire à Paris, bureau consultatif de la Grande Voirie au XIXème siècle, commission supérieure de la Voirie, commission du Permis de Construire (C.P.P.C.), commission des Dérogations, commission des Adaptations Mineures et, la plus moderne, la commission d’examen du Permis de Construire (C.E.P.C.). L’architecte voyer s’y présente comme rapporteur des projets dont l’instruction lui incombe et qu’il a jugé acceptables en dépit des faibles dépassements pour lesquels il demande accord. Il se fait ainsi l’avocat de la proposition, mais c’est la commission qui pèse le bien fondé et la légalité des dépassements.

L’architecte voyer se doit d’être ouvert et même très informé de certains domaines du droit privé, en matière de propriété, de mitoyenneté, de servitudes. Le permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers, ce qui n’autorise pas l’administration à en faire fi, alors qu’elle dispose en temps utiles des moyens de modérer les demandes excessives pouvant conduire à des conflits civils prévisibles. Mais en dépit des plus constantes précautions, l’éventail des contestations reste largement déployé : recours contre les permis accordés, contestation des motifs de permis refusés, manifestations d’hostilité vis-à-vis de tout ce qui modifie le cadre de vie, dans une ville de grande concentration où l’imbrication des limites parcellaires est extrême, où la moindre opération est rarement sans incidence sur le voisinage et l’environnement. Associations ou particuliers, intervenants multiples, plaignants en puissance toujours prêts à dénoncer le bétonnage, les abus de la technocratie, les atteintes au bien-être ordinaire, la remise en cause même minime des situations de fait. Le plus souvent, à l’architecte voyer d’argumenter pour défendre la légalité des autorisations en reprenant point par point les détails de l’instruction, et d’étayer les mémoires en défense destinés au Tribunal Administratif ou au Conseil d’État.

Synthèses et décisions

C’est pour des motifs de validité et d’unité des décisions qu’a toujours été privilégié le double étage d’instruction, non pour multiplier les instances pléthoriques répétant le même travail: une première phase d’instruction, concluant à une proposition de permettre, ou de refuser, et une seconde phase, de révision, pour éviter les divergences d’appréciation, les oublis, les insuffisances de motivation, les distorsions doctrinales. Ce fut longtemps le rôle du service central de l’architecte voyer en chef, épaulé par sa troupe de réviseurs, puis celui des chefs de circonscriptions. Toujours à l’étude, quoique le principe en soit acquis, l’existence d’une cellule de réflexion dite de la doctrine, que préfigure les débats de la commission des adaptations mineures, où se décident après controverses le sens à donner aux obscurités ou incertitudes des textes, ainsi que la portée et le caractère jurisprudentiel des tolérances accordées.

A son analyse architecturale et réglementaire, à ses appréciations concernant l’insertion et le respect de l’environnement, après avoir dans un grand nombre de cas obtenu les modifications utiles à la bonne conclusion de l’instruction, l’architecte voyer réunit les avis des services intérieurs et extérieurs pour être joints au dossier. Il en évalue les conséquences, qui peuvent être importantes, et parfois déterminantes, pour l’économie d’une proposition. Près de trente administrations ont été dénombrées, chacune pouvant être à l’occasion concernée par les spécificités d’une opération, et par ses éventuelles conséquences dans son domaine de gestion. Les plus systématiquement sollicitées sont celles qui traitent de la sécurité (Police, Pompiers, Carrières), du patrimoine (Bâtiments de France), des espaces verts (Parcs et Jardins), des alignements, des nivellements, des égouts, des alimentations, des ordures ménagères, etc… Certains projets peuvent faire l’objet de débats en concertation avec la Délégation Régionale de l’Architecture, de communications à la commission des Sites ou à celle des Abords, en présence des demandeurs. En raison de leur nature, de leur situation ou de leur impact exceptionnel, il n’est pas rare qu’ils doivent s’adapter à des directives précises. Ces interventions particulières allongent grandement les délais.

En fin de parcours, s’interdisant tout jugement de valeur trop personnel, l’architecte voyer sera en mesure de transmettre le dossier avec une proposition de permettre, sous quelques réserves si nécessaire, et communication des observations des services consultés. Ou le cas échéant proposition de refus, si des éléments rédhibitoires l’imposent. C’est l’important avis de synthèse, base du traitement administratif et de la rédaction de l’arrêté de permis de construire, arrêté qui, dernier avatar, sera soumis au contrôle de légalité des services préfectoraux.

Conclusions

Les délais d’instruction d’un dossier sont strictement fixés par la loi. Faute d’être respectés, le permis de construire peut être réputé tacite, encore que les conditions de validité soient bien cadrées. Dans des époques pas si lointaines, le permis de construire avait parmi toutes les procédures administratives, la réputation des délais les moins prévisibles. Certains se plaisaient à citer des cas de décisions intervenues après une année ou plus d’attente. Mais bien entendu, sans reconnaître la part de responsabilité qui pesait sur des affaires mal préparées, très incomplètes, ou à des tentatives irréalistes, à la propre négligence des demandeurs, à leur total immobilisme alors même que l’architecte voyer les prévenait en temps utile. C’était l’époque des modificatifs innombrables, souvent partiels, les tentatives répétées de venir à bout de la patience administrative, à force d’assauts tenaces. C’était aussi l’époque de la surabondance. Les opérations se montaient par centaines et, pour leurs auteurs, le temps manquait pour un suivi efficace. Les promoteurs avaient des ordres de priorité, et bien des dossiers stagnaient ainsi indéfiniment, finalement voués au rebut.

Enfin, sans prétendre avoir présenté la totalité des domaines liés au permis de construire, il faut mentionner les tâches de surveillance et de contrôle qui en sont l’inévitable complément. Car toute obligation légale nécessite la vérification de son exacte application, et la recherche des contraventions. Le plus souvent, le défaut de permis de construire s’accompagne du non respect des dispositions réglementaires. Ici se place les visites de conformité des travaux déclarés achevés, et la surveillance régulière des arrondissements. Cette part de la mission a toujours été assurée par les adjoints directs des architectes voyers, les ingénieurs de travaux, et leurs assistants. Mais les tendances les plus récentes de réforme, ainsi qu’il a été dit, ont totalement scindé l’autorisation et le contrôle s’exerçant sur un même secteur.

De ce qui précède ressort la continuité de l’active participation des architectes à la procédure complexe du permis de construire. Ils y sont particulièrement adaptés par leur formation universitaire spécifique et par leur expérience de constructeur et leur connaissance pratique des problèmes urbains. Sans discontinuité, on les trouve toujours présents, depuis le début du XIXème siècle, architectes inspecteurs généraux de la voirie, commissaires voyers, puis architectes voyers du XXème siècle, en dépit des bouleversements politiques les plus radicaux ainsi que des constants remaniements des directions administratives et techniques.

L’existence de ce corps particulier reste cependant unique, spécifique de Paris, au point qu’il subira un rétrécissement de son périmètre d’intervention lors de la disparition du département de la Seine. Sous d’autres formes, les architectes ont sans doute eu l’occasion d’intervenir directement dans le cadre de la procédure du permis de construire, architectes communaux, architectes conseil, architectes consultants, architectes des Bâtiments de France au titre de la loi de 1913, urbanistes, mais aucune ville n’a disposé avec une aussi remarquable continuité d’un corps constitué totalement intégré.

Didier Breton

 

[1] Code de l’urbanisme, art. L 421-3.

[2] Arrêté préfectoral du 3 juin 1871.

 

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